dimanche 9 novembre 2008

Mémoires de guerre: les 90 ans du 11 novembre 1918

Foch signant l'armistice le 11 novembre 1918 à Rethondes (forêt de Compiègne)

Demain c'est le 11 novembre, le monde va célébrer le 90ème anniversaire de l'armistice de 1918 et donc la fin de la terrible guerre 1914-1918. Quelques chiffres pour mieux comprendre ce que fut la "Grande Guerre", qui avait tellement marqué les esprits qu'elle devait être "la der des ders" (la dernière des dernières): 1561 jours de combats, 70 millions de combattants, 10 millions de morts, 21 millions de blessés. La Première Guerre mondiale c'est la première guerre totale, qui mobilise toutes les forces (économiques et humaines) des nations belligérantes et qui va se distinguer par l'introduction de nouvelles techniques de guerre: la tranchée, l'importance de l'artillerie (26000 wagons de munitions furent nécessaires pour la seule offensive du Chemin des Dames en 1917), l'apparition des mitrailleuses, des gaz, des lances-flammes, des avions et des chars...c'est le début de "l'ère de la violence industrielle" (Antoine Prost), celle qui atteindra son apogée lors de la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945.

Pourquoi célèbre-t-on encore le 11 novembre, 90 ans après? L'histoirien Jean-Jacques Becker donne, dans l'article "En finir avec le 11 novembre?" du n°336 de la revue l'Histoire (voir ci-dessous), quatre bonnes raisons de ne pas oublier cette date, et ce qu'elle représente:
  • rendre hommage aux hommes qui sont morts pour la France, ne pas oublier leur sacrifice
  • continuer à célébrer la fin de la guerre en s'inspirant "du plus jamais ça" des anciens combattants pendant l'entre-deux guerres et en se rappelant l'horreur de la guerre.
  • se souvenir que l'armistice signe la victoire du camp du progrès et de la démocratie, face aux monarchies autoritaires.
  • rappeler que cette commémoration du 11 novembre est devenue au fil du temps porteur de l'idée d'une paix nécessaire sur le "petit continent" européen. Becker voit dans le 11 novembre le début de la construction européenne et propose d'y associer les morts de toutes les guerres, de tous les pays européens.

Ce sont les anciens combattants qui ont fait pression pour que le 11 novembre devienne un jour férié (effectif par la loi du "jour du souvenir" en 1922). Dès 1920, l'idée de rendre hommage aux soldats morts pour la France est matérialisée par la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. La flamme est ajoutée en 1923. Sur cette photo du 14 juillet 1924, ce sont les "gueules cassées", "mutilés de guerres" ou "gradés de la blessure" qui ravivent la flamme. Cliquez sur l'image pour en savoir plus sur l'Association des Grands Invalides de Guerre.

Aux élèves de 1ère STG
: je vous rappelle que vous devez pour le prochain cours choisir un objet symbolique de la guerre 1914-1918, le décrire et expliquer en quoi il est un objet de mémoire. L'objet en question peut avoir été réalisé après la fin de la guerre (un monument aux morts par exemple). Vous devriez trouver dans cet article un certain nombre de pistes au cas où vous n'auriez pas trop d'idées...

Bonus: la région Ile-de-France a publié une très complète brochure, apparemment seulement distribuée aux élèves de 1èreL, pour célébrer le 90ème anniversaire de l'armistice. Cliquez sur l'image ci-dessous pour la télécharger au format pdf:


A la télé

Cela a commencé la semaine dernière avec la diffusion d'un documentaire sur l'enfer de Verdun dont je vous avez parlé ici, ça continue de plus belle à partir de ce soir sur toutes les grandes chaines et sur la TNT. Voici une petite sélection (arbitraire je vous l'accorde) des grands rendez-vous à ne pas manquer:

Les cérémonies de commémorations du 90ème anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918 en direct sur TF1 et France2 à partir de 10h45. Elles se dérouleront notamment en présence du président de la République à l'ossuaire de Douaumont évoqué il y a quelques jours dans l'article: Verdun, aux portes de l'Enfer

La flamme du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe, passage obligé des cérémonies du 11 novembre

"14-18. Le bruit et la fureur" (2008) sur France 2, mardi 11 novembre, 20h50.
En imaginant le récit d’un soldat qui a traversé toute la guerre et qui parle aussi au nom de ses camarades, le film réalisé par Jean-François Delassus, à partir d’images d’archives colorisées et sonorisées et des travaux de l’historienne Annette Becker, analyse la Grande Guerre sous l’angle d’une immense contradiction entre l’insupportable souffrance des individus sur le front et l’engagement général de toutes les sociétés dans une guerre dont l’ampleur, la violence et le caractère total ont à la fois préfiguré et engendré les tragédies du XXe siècle.
(source: télédoc)
Présentation complète avec vidéos, interviews et quizz sur le site de France2: ici.

Image extraite du documentaire "Le bruit et la fureur" qui montre que comme les ponts avaient été détruits pour empêcher l'avancée de l'armée allemande, il fallait construire des ponts flottants.

"L'héroïque cinématographe" (2003) sur Arte, mercredi 12 novembre, 21h00.
En 1914, les premiers films d’actualité cinématographique sont tournés sur le champ de bataille. L’image cinématographique « prise sur le vif » donne l’illusion que l'information s'est rapprochée du réel. Pourtant, à y regarder de près, les images réellement tournées sur le front sont bien rares. Et les scènes spectaculaires que nous connaissons ont le plus souvent été reconstituées sur des terrains de manœuvre, quelques années après la fin des hostilités.
Ce film reconstitue le journal de guerre de deux opérateurs, entre 1914 et 1918. L’un, Karl Stern, est allemand, l’autre, Alphonse Dessaigne, français. Tout en filmant le conflit de part et d’autre de la ligne de front pour le compte des ciné-actualités de leur pays respectif, chacun a consigné ses réflexions sur ce qu’il filmait et la façon dont il le faisait.
(source: site du Festival international du film d'Amiens)

Les premiers "reporteurs" de guerre font partie de l'armée et s'interrogent sur la façon de filmer la guerre.

Une liste complète des documentaires à voir cette semaine, sur le blog "Un petit coin de Paradis" d'Alex Sauvey.

Dans les kiosques et sur le web

L'Histoire n°336 spécial "11 novembre 1918" (disponible au CDI) dont vous pouvez consulter le sommaire, l'éditorial intitulé "La paix fragile" sur le site de la revue (voir liste des liens) et lire le compte-rendu de lecture sur le blog Le Petit bazar de connaissances tenu par Corinne Budd.



Le Monde publie un hors-série intitulé "14-18, les traces d'une guerre", ce numéro s'intéressant particulièrement à la mémoire de la Première guerre mondiale, tout en faisant le point sur les débats historiographiques qui agitent le petit monde des historiens. Pour ceux qui ne le trouveraient pas en kiosque, il existe une version web très complète sur LeMonde.fr: 1914-1918: 90 ans après (édition spéciale).

Sélection de quelques articles importants sur LeMonde.fr:

L'INA et site Herodote.net sont partenaires pour vous présenter un dossier spécial consacré à la Grande Guerre de 14-18 avec des articles et des vidéos exclusives.

"1918-2008": un dossier complet sur le 11 novembre sur le site du Ministère de la Défense

Un point complet sur les enjeux de cette commémoration sur le blog de Céline Giangermi, "Réussir en HG": 11 novembre 2008: 90ème anniversaire.

En vidéo: La guerre de Lazare Ponticelli (1897-2008) par LibéLabo

Cette année c'est une célébration particulière puisqu'il n'y a plus de "Poilus" (les soldats français qui ont combattu plus de trois mois pendant la Première Guerre mondiale). Dans le monde il ne resterait qu'une dizaine de personnes ayant combattu en 14-18. Le dernier poilu français, Lazare Ponticelli, est décédé le 12 mars 2008, il avait 110 ans (je vous reparlerai de son parcours en cours). Les deux vidéos ci-dessous ont été réalisées en 2005 par l'équipe du LibéLabo (du journal Libération) et nous présentent la guerre de 14 telle que l'a vécu Lazare. Un témoignage riche et bouleversant à ne pas manquer!


Vidéo 1/4: L'Engagement


Vidéo 4/4: Monte Grappa


Liens vers les deux autres épisodes: épisode 2/4: Les tranchées ; épisode 3/4: La fraternisation

Le Télézapping de LeMonde.fr au lendemain (13 mars 2008) du décès de Lazare Ponticelli:



Article de Lyonel Kaufmann sur les conséquences historiques de la mort de Lazare Ponticelli
Les Poilus sur wikipedia
Les derniers Poilus sur wikipedia

En musique: Georges Brassens, La guerre de 14-18 (1962)

Monument de la chanson française, Georges Brassens (1921-1981) est un grand idéaliste, sympathisant anarchiste (il a écrit quelques articles dans le journal Le Libertaire), qui n'aime pas la guerre; c'est dans son œuvre une "opposition sacrée" qui revient souvent (quelques chansons: La guerre, La tondue, Les deux oncles, Le cauchemar, Honte à celui qui peut chanter...). Le facétieux chanteur qui se plaisait à jouer avec les mots pour mieux critiquer son époque avait donné une définition de la guerre dans le premier et unique numéro du journal que voulait lancer Brassens en 1946, Le cri des gueux:

La guerre: Le prestige d'un peuple ne devrait pas être proportionnel à sa puissance militaire mais, puisqu'il en est ainsi de par le monde, il est nécessaire d'avoir une armée solide, malgré le nombre incalculable de brutes que cela fait naître.
(source: brassensenpolitique.free.fr)

Brassens en train de lire le journal Le Libertaire. Il écrivit dans ce journal des articles souvent violents sous les pseudonymes de Gilles Colin ou Geo Cédille entre 1946 et 1947. Quelques titres d'articles: "Vilains propos sur la maréchaussée", "La mort s'en va-t-en guerre contre les gendarmes", "Les policiers tirent en l'air, mais les balles fauchent le peuple", "Qu'attend la masse pour se soulever?"

Brassens dans La guerre 14-18 (dans son 9ème album, Les trompettes de la renommée, 1962) fait la liste des plus grandes et célèbres guerres connues par la France (y compris la guerre d'Algérie "Guerres saintes, guerres sournoises, Qui n'osent pas dire leur nom" référence à la guerre sans nom ou à ce que l'on appelait les évènements d'Algérie entre 1954 et 1962) en faisant logiquement de 14-18, la Grande guerre, sa "préférée"! Car il faut lire cette chanson au second dégré: l'éloge de la guerre ("Chacune a quelque chose pour plaire, Chacune a son petit mérite") est ici tellement exagéré qu'il en devient parodique; Brassens tourne en ridicule toute l'esthétique de la guerre pour mieux la dénoncer, en nous faisant sourire.


Découvrez Georges Brassens!

Les paroles de "La guerre 14-18" sur Le parolier.net
(site à retenir car sans trop de publicité...)

Mais tout le monde n'a pas compris ce "second degré" et cette chanson fit scandale. Beaucoup ont pensé qu'elle déshonorait les soldats tombés pour la France pendant la Pemière Guerre mondiale, ainsi que leur famille. Pourtant dans les années 1960, la "fièvre commémorative" n'était pas au niveau d'aujourd'hui, notamment "à cause" de la concurrence des héros de 39-45: les résistants et les libérateurs. La polémique colle à la peau de Brassens qui en 1978 (soit près de 16 ans après la sortie de la chanson) certains lui repprochaient encore ce texte, et le chanteur, un peu attristé de ce malentendu, s'explique sur le message de sa chanson lors d'une émission de télévision (sur Antenne 2 à l'époque...) consacrée à la paix; car avant d'être anti-guerre, Brassens était un pacifiste:

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo sur le site de l'INA
(nécessite la dernière version de Quicktime)

Une analyse complète de la chanson sur analysebrassens.com
Un très bon et très complet travail sur les thèmes de l'oeuvre de Georges Brassens: brassensenpolitique.free.fr

Près de chez vous: Les monuments aux morts

Si des monuments sont construits avant la Première Guerre mondiale, c'est bien celle-ci qui va les populariser et les rendre universels. Entre 1918 et 1925, 30 000 monuments seront inaugurés en France. Avec ces monuments, on a créé un ensemble parfaitement tragique, où l'on peut noter une unité de temps (le 11 novembre), une unité de lieu (le monument aux morts) et une unité d'action (la cérémonie commémorative). Le monument aux morts est une œuvre d'art (le "marché du siècle" pour les architectes, les marbriers et les entrepreneurs de pompes funèbres) qui doit être lue autant qu'être regardée: les mots choisis évoquent la réalité de la mort ("enfant", "héros", "mémoire" "devoir", "sacrifice", "morts", "martyrs", "mémoire" font partie des mots les plus utilisés) et la liste des noms, par ordre alphabétique, renforce l'impression lugubre.
La plupart des monuments aux morts exaltent le patriotisme des soldats tout en aidant les veuves, les orphelins et les survivants à faire face, à supporter la vie après la guerre: ce sont des lieux de deuil et de recueillement.

(d'après l'article d'Anette Becker, "La passion de commémorer", Le Monde, 26 août 1994)

La liste de noms "des enfants" de chaque commune ayant perdu la vie sur les champs de bataille de 14-18: un lieu de souvenir et de mémoire collective incontournable.

Le soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe

Les monuments aux morts ont un sens et portent un message: ici à Lodève (dans l'Hérault), c'est le pacifisme qui est mis en avant (c'est assez rare...). Article wikipedia sur ce monument.

"Monument aux morts" sur wikipedia
"Monuments aux morts pacifistes" sur wikipedia
Le blog Queutchny 14-18 propose de nombreuses potos de monuments aux morts, en France et ailleurs.
Site réalisé par des lycéens sur les monuments aux morts d'Auvergne.

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