vendredi 10 octobre 2008

La Turquie est-elle européenne?

Vue satellite du détroit du Bosphore, limite conventionnelle de l'Europe. En regardant bien vous verrez les deux ponts qui enjambent cet étroit bras de mer pour relier les deux rives d'Istanbul, une ville historiquement liée à l'Europe, qui a servi de point de passage entre deux mondes très différents mais habitant le même continent (au sens strict de la définition): l'Eurasie.
Source: wikipedia (cliquez sur l'image pour la voir en plus grand)

Pour approfondir le cours commencé ce matin et encore mieux préparer votre synthèse finale je vous recommande la lecture de cet article (qui voulait savoir pourquoi je vous avais mis un document sur les équipes de football engagées pour les qualifications à l'Euro 2008?) et en particulier de la vidéo de l'incontournable émission d'Arte, présentée par Jean-Christophe Victor: Le Dessous des Cartes (le site de l'émission ici).

Un numéro consacrée à la possibilité d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne qui est devenue une réalité depuis décembre 1999 et le sommet d'Helsinki, l'Union européenne ayant alors officiellement enclenché le processus d'adhésion sans toutefois fixé d'échéance dans le temps (entre 10 et 15 ans selon les observateurs): "La Turquie est un pays candidat, qui a vocation à rejoindre l’Union sur la base des mêmes critères que ceux qui s’appliquent aux autres pays candidats. Dans le cadre de la stratégie européenne actuelle, la Turquie, comme les autres pays candidats, bénéficiera d’une stratégie de pré-adhésion visant à encourager et à appuyer ses réformes" (source: article du journal Le Monde)

Il serait bien de vous servir de cette vidéo, sans oublier les documents distribués, pour votre synthèse qui devra présenter les différents arguments et expliquer en quoi la définition de l'Europe est davantage un problème, un sujet de réflexion, qu'une réponse définitive.

Carte qui présente l'avantage de présenter la Turquie et la place qu'elle occuperait dans l'UE en cas d'adhésion et les questions que soulèvent la localisation de l'île de Chypre membre depuis 2007 mais dont la partie Nord est revandiqué par la Turquie depuis 1974.
(cliquez dessus pour voir en plus grand)

Attention, il n'est pas question ici (comme dans vos copies ) d'être pour ou contre l'adhésion de la Turquie mais de soulever les questions géographiques que pose ce projet d'élargissement.

La vidéo:


Donc, comme le dit Jean-Christophe Victor à la fin de l'émission, après avoir remarquablement présenter les arguments favorables et les arguments défavorables à l'adhésion, "si on n'a pas encore décidez de l'entrée de la Turquie, on a déjà décidez de ce que l'Europe allait être ou ne plus être". Une Europe de plus en plus "économique" aux dépens, peut-être, d'une Europe "politique" qui semble se trouver dans une impasse depuis l'échec du Traité constitutionnel en 2005 puis du traité de Lisbonne cette année après le refus du texte par référendum en Irlande (53,4% de "non"). Il faudra aussi penser à évoquer dans vos copies les divergences de point de vue entre l'opinion publique et la classe politique de l'Union européenne, à propos du visage que devrait avoir la future Europe.

Affiche électorale assez explicite en faveur du "NON" au traité de Lisbonne dans les rues de Dublin, juin 2008. (source: marianne2)

article de Marianne2 sur le "non" irlandais et ses affiches, écrit en mai 2008 (avant les résultats)
reportage (écrit et audio) de RFI sur le "non" irlandais, 13 juin 2008

Autre thème à explorer: le projet de coopération renforcée entre Europe et pays du bassin méditerranéen dans lequel s'inscrit évidemment la Turquie, qui abrite la célèbre et mythique cité de Troie (le site de l'UNESCO et le patrimoine mondial en Turquie). Ce projet, d'Union pour la Méditerranée, cher à Nicolas Sarkozy en tant que président du Conseil européen, vise dans ses grandes lignes à une aide au développement économique de la part de l'UE vers les pays de la rive sud (dont la Turquie...et la Mauritanie, pays méditerranéen s'il en est...). Ce projet est sujet de tensions entre membres de l'Union européenne: l'Allemagne étant réticente à financer le développement des activités économiques de la France, de l'Espagne, de l'Italie ou de la Grèce en Méditerranée, sur les fonds européens, alors qu'elle n'a pas d'accès à la mer Méditerranée.

En bleu l'Union européenne, en vert les 16 autres pays de l'Union pour la Méditerranée.
La Libye (pays hachurée) n'a pas encore donné son accord.


Mais ce projet ne communique pas vraiment sur la contrepartie de cette collaboration économique demandés aux pays y adhérant: l'idée de certains dirigeants européens est d'établir une nouvelle "limite", plus élargie, à l'espace économique européen pour permettre un meilleur contrôle de l'immigration clandestine en coupant les flux migratoires Suds=>Nord. C'est ce qu'explique Philippe Rekacewicz sur le blog Visions cartographiques dans son article intitutlé L'Europe et ses frontières paradoxales publié sur son blog en novembre 2006:

"Sous le prétexte de contenir ce que les riches ne cessent d’appeler une « massive » immigration clandestine, l’Europe installe consciencieusement ses filets de protection. Loin, très loin de son propre territoire : de Nouakchott à Tripoli en passant par Niamey et Agadir, une ligne dont on peut dire qu’elle est une « préfrontière » de l’Europe. Déjà, au cœur du désert, contrôles policiers, refoulements, regroupements informels et premiers camps. Le danger et la mort au rendez-vous pour qui passe les mailles de ce premier filet et qui arrive à la « frontière ». Tous ceux qui auront réussi à s’introduire sur le territoire européen seront attendus à la « postfrontière ». D’autres, lieux, d’autres camps."

Pour lui, l'Europe à donc cartographié trois frontières qui sont en fait trois "murs" ou "rideaux" composés de camps de réfugiés pour contrôler et limiter l'afflux de population (plus de 100 000 tentatives d'immigration illégale par selon les estimations considérées comme haute dans cet article) fuyant la misère des Suds au péril de leur vie. En 2001, 700 (jeunes) marocains avaient perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée dans des barques de pêcheur. D'après Philippe Rekacewicz, qui s'appuie sur des sources sérieuses (CNRS), il y aurait eu 7000 morts en 10 ans alors qu'ils essayaient de franchir sur les trois frontières, 4000 rien que pour le détroit de Gibraltar:

cliquez sur la carte pour l'agrandir

dossier de presse de RFI sur l'immigration clandestine

Pour terminer sur une note plus joyeuse et faire écho à l'actualité sportive du jour (une petite pensée pour Raymond D.) je vous propose ce reportage diffusé sur la chaîne France24 à propos de la rencontre historique du président turc, Abdullah Gül, à son homologue arménien, Serj Sarksyan, à Erevan (capitale de l'Arménie) pour assister au match de qualification Arménie-Turquie pour le Mondial 2010 de football (la Turquie à gagner le match 2-0): c'est la diplomatie du football qui nous permet de faire de ce sport (incontestablement le plus populaire et celui qui a le plus fort impact économique en Europe, au grand malheur de certains "anti-foot") un élément d'intégration culturel de la Turquie dans l'Union européenne puisque des équipes turques participent aux grandes compétitions européenne comme Fenerbache, Galatasaray, le Besiktas, trois clubs stambouliotes (d'Istanbul) mais aussi Denizlispor, la ville de Denizli se trouvant au sud-ouest du pays (c'est l'équipe qui avait chuter l'Olympique lyonnais en 8ème de finale de la Ligue des Champions, saison 2002-2003)



Cette "diplomatie du football" a été applaudie par l'Union européenne qui voit d'un bon oeil cette volonté de changement manifestée par la Turquie; mais tout le monde n'a pas été réceptif (pas autant que dans le reportage qui se passe à la frontière, un lieu particulier donc, qui a besoin de l'ouverture de la frontière pour se développer..) pas plus en Turquie qu'en Arménie, où les blessures du génocide arménien, orchestré par le pouvoir turc entre 1915 et 1916 et qui a fait
1 200 000 victimes, ne sont pas encore refermées. D'ailleurs le président turc, qui sait pourtant que la reconnaissance du génocide fait partie des demandes de l'UE, ne s'est pas rendu sur le site du mémorial du génocide, et l'hymne national turc a été sifflé.

Le mémorial du génocide arménien

reportage (écrit et audio) de RFI sur ce "match diplomatique"
article de Ouest-France sur le "football diplomatique"


N'hésitez pas à réagir à cet article en laissant un commentaire.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi est-ce que "la sécurité d'Israël concerne aussi l'Europe "?
(Turquie en Europe? Le Dessous des Cartes 02:56)

Monsieur Raingeard a dit…

Israël et l'Europe (et surtout l'Union européenne) ont des liens historiques et économiques très forts: de nombreux Israëliens ont des origines européennes et il y a des accords de libre-échange depuis 1964 (je rapelle aussi qu'Israël comme la Turquie dispute la Coupe d'Europe des Nations de football...). Les relations entre les deux sont souvent tendues à cause du conflit entre Israël et Palestine, Etat reconnu par le Conseil Européen depuis 1980. Mais les relations restent fortes et depuis 2005 la question d'une hypothétique future adhésion d'Israël à l'UE!

voilà je te résume ce que j'ai trouvé de mieux sur cette très intéressante question) quant à l'idée de frontières de l'Europe...):

http://www.iris-france.org/docs/pdf/actu_mo/2008-04-23.pdf