mercredi 18 février 2009

Correction Bac Blanc (1ère partie): Explication de document

"J'ai été expulsé du lycée pendant un examen de métaphysique ; je lisais dans les pensées de mon voisin" Woody Allen.

L'heure de la correction est arrivée! Je vous propose la correction des deux explications de documents historiques entre lesquelles vous deviez faire un choix. Cette correction n'est pas forcément parfaite, il s'agit avant tout de vous donner une idée du fond et de la forme que devait avoir votre travail. N'hésitez surtout pas à utiliser les commentaires ou le mail du Petit Curieux (voir colonne de droite) pour poser vos questions et faire part de vos remarques.

La suite de la correction arrivera un peu plus tard...

SUJET 1 : Affiche du Parti Communiste Français, 1951


1. Présentez le document.

Cette affiche de propagande a été diffusée par le Parti Communiste Français (PCF) en 1951, c'est-à-dire au début de la Guerre Froide, que l'on peut faire débuter en 1947, avec la proposition du plan Marshall faite par les États-Unis aux États européens. Le refus de cette aide financière par les pays d'Europe de l'Est, libérés du joug nazi par l'armée rouge de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), fixe définitivement les frontières des deux blocs, frontière que le britannique Winston Churchill avait vu tomber sur l'Europe dès 1946; il avait alors évoqué le "rideau de fer".
Mais cette frontière est poreuse car dans plusieurs pays d'Europe de l'Ouest les Partis Communistes sont relativement puissants, leurs membres ayant souvent participé activement à la résistance contre l'occupant allemand, en particulier en France et en Italie. En France, les communistes (autour de personnalités comme Maurice Thorez ou Jacques Duclos) ne participent plus au gouvernement depuis 1947, mais réalisent toujours de bons scores aux élections, atteignant régulièrement les 20% de suffrages.
En 1951, la Guerre Froide est dans sa période la plus "chaude": la première crise de Berlin (juin 1948-mai 1949) vient de s'achever par un recul de Staline et, alors que Mao Zedong est arrivé au pouvoir en Chine (1949), les conflits en Asie du Sud-Est s'intensifient: la France s'est lancée dans la guerre d'Indochine (1950) et la guerre de Corée fait rage. Dans les deux cas il y aura intervention de l'armée américaine. C'est donc dans ce climat de tension que le PCF publie cette affiche clairement anti-américaine, les Etats-Unis étant ici désignés comme l'agresseur du bloc soviétique.

2. De quelle manière sont représentés l'URSS et ses alliés ? Quel message cherche à transmettre ce document par un tel choix ?

Sur ce planisphère centrée sur l'URSS, qui permet au passage de ne pas faire figurer les États-Unis sur l'affiche, le bloc soviétique apparait encerclé, agressé. Composé de l'URSS, des démocraties populaires (Pologne, Hongrie ou Roumanie par exemple), de la Mongolie, de la Chine qui a rallié le camp soviétique en 1949 avec l'arrivée au pouvoir de Mao, et sans doute de la Corée du Nord (masquée sur l'affiche), le bloc soviétique est représenté ici comme une unité assiégée par le camp d'en face, celui des États-Unis et de leurs alliés, c'est-à-dire l'Amérique, l'Europe de l'Ouest et ses colonies, en particulier celles de la France et du Royaume-Uni (à ce propos on peut noter, alors que cela ne figure pas sur l'affiche, que l'Inde a été décolonisée en 1948 et qu'il y a, après la "partition des Indes" orchestrée par la couronne britannique, deux États indépendants qui apparaissent: l'Inde et la Pakistan).
L'encerclement des pays socialistes par les Américains est un thème fort de la propagande communiste; il permet en effet de placer l'URSS et ses alliés en position de victimes de la menace voire des attaques du bloc occidental, et cela en réponse aux accusation des Etats-Unis qui font de l'URSS une puissance belliciste et agressive, en utilisant eux-aussi la propagande et en jouant par exemple sur la peur du nucléaire et les menaces sur la paix mondiale provoquées par l'idéologie soviétique. Rappelons que l'URSS de Joseph Staline s'est dotée de l'arme nucléaire en 1949, faisant entrer le monde dans "l'équilibre de la terreur" fondé sur la dissuasion (aucun camp ne peut attaquer l'autre sans craindre une réponse violente).
Pour illustrer cette agression de l'occident envers le camp soviétique, les illustrateurs du PCF ont utilisé divers moyens: jeu de couleur tout d'abord, pour renforcer l'unité du bloc Est, distingué par une couleur plus foncée, qui apparaît ici comme un îlot entouré par un "océan" pro-américain. Les nombreuses et épaisses flèches orientés vers l'URSS et ayant pour point de départ l'une de ces bases américaines que l'affiche entend révéler au monde ("Voici les bases américaines dans le monde" pourrait faire office de titre), accentue l'impression d'agression. Cette affiche est accompagnée de quatre textes courts: à gauche les extraits dénoncent l'agression américaine, à droite ils soulignent la position avant tout défensive du bloc soviétique. On peut ensuite faire une division horizontale: les deux du haut de l'affiche sont des données chiffrées qui comparent la mobilisation militaire des deux camps, alors que les deux du bas reprennent à l'avantage du camp communiste des extraits de discours de deux hommes politiques américains parmi les plus importants, le président Harry Truman (1945-1953) et le général MacArthur, un des militaires les plus gradés de l'histoire des États-Unis (il a participé aux deux guerres mondiales et menait en 1951 l'offensive en Corée), le but étant de montrer que la politique américaine est agressive alors que la politique soviétique est défensive, et ce en s'appuyant sur les arguments du camp d'en face.
Enfin, les deux questions "Qui est l'agresseur?" et "Qui menace?" en bas le l'affiche invitent le lecteur à adhérer, après une réflexion "personnelle" très orientée par les arguments proposés dans l'affiche, à la thèse d'un bloc soviétique encerclé et victime.

3. Quelles menaces exercent les opposants de l'URSS ? Quels aspects de leur politique diplomatique et militaire sont dénoncés dans ce document ?

Selon l'affiche les menaces exercées par les opposants de l'URSS sont avant tout des menaces pour le pays (la plupart des flèches sont dirigées vers l'Union soviétique) mais se sont, d'une façon plus générale, une menace pour la paix dans le monde. Cette paix, si précieuse depuis 1945 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, apparait en effet fragilisée par la montée des tensions entre les deux anciens alliés, grands vainqueurs du nazisme, les États-Unis et l'URSS, en particulier depuis 1947 et la définition par chaque camp des doctrines, ou principes de base de la stratégie à suivre, qui orienteront leur politique pendant la Guerre Froide.
Le président américain Harry Truman lança les hostilités en mars 1947 dans un discours qui définissait l'ennemi et précisait la marche à suivre pour lutter contre ce dernier. La "doctrine Truman" est alors fondée sur le containment ou endiguement, le but des Etats-Unis et de leurs alliés étant de contenir ou endiguer, c'est-à-dire retenir, l'expansion du modèle soviétique, jugé totalitaire et antidémocratique car bafouant les libertés fondamentales des populations et jouant de la terreur et de la censure pour faire régner l'ordre. La liberté d'expression est particulièrement menacée puisque tous les dissidents au régime stalinien, basé sur un parti unique, le Parti Communiste de l'Union Soviétique (PCUS), le sont arrêtés arbitrairement puis enfermés dans les goulags, terribles camps de travail qui ont vu la mort de millions d'hommes et de femmes sous la direction de Staline et dont l'horreur a été racontée par certains dissidents comme Alexandre Soljenistine, décédé en 2008.
Pour Truman, lutter contre le totalitarisme (l'État contrôle tous les pans de la société, aussi bien dans la sphère publique que privée) soviétique est un moyen de garantir la paix dans le monde et (surtout?) la sécurité de son pays, les États-Unis.
Pour organiser cette lutte les américains interviennent de deux manières. Diplomatiquement ils vont se faire les défenseurs de la démocratie en conditionnant l'aide financière vers l'Europe, le plan Marshall, au respect du pluralisme politique et des libertés individuelles. Ils vont aussi organiser la défense de leurs intérêts grâce au Pacte Atlantique signé le 4 avril 1949 à Washington et qui donne naissance à l'OTAN, Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, organisation militaire dirigée par les États-Unis entourés de leurs alliés européens (la Grande-Bretagne, la France, la Grèce et la Turquie rejoints par l'Allemagne de l'Ouest, la République Fédérale Allemande (RFA) en 1954). Ensuite, militairement, les américains interviennent dans des conflits, au nom de la paix et de la liberté mais surtout contre les forces communistes: c'est "la politique du coup de poing" évoquée par Truman le 19 mai 1950 et dénoncée par l'affiche du PCF. C'est le cas par exemple en Indochine où les Américains s'engagent aux côtés des Français et où ils resteront voire s'enliseront après l'indépendance du Vietnam, en 1954. L'armée américaine intervient aussi en Corée pour repousser les offensives communistes venues du Nord du pays et soutenues par la Chine de Mao. Dans les deux cas, la méthode consiste à "couper" les pays en deux (à l'image de ce qui s'est passé en Allemagne) avec d'un côté le camp soviétique, de l'autre le modèle libéral américain.
D'après l'affiche ce ne sont pas moins de deux millions de soldats américains qui "font la guerre ou la préparent hors d'Amérique". Si le chiffre est à prendre avec précaution (il s'agit d'une affiche de propagande!) il est à mettre en relation avec la phrase qui lui est opposé en haut à droite (à l'Est donc...) qui souligne que les soldats de l'URSS et des démocraties populaires ne sont jamais intervenus hors de leurs frontières. La méthode soviétique est en effet différente: il s'agit avant tout pour eux d'entretenir des armées locales (matériel, armes...) chargées de résister à l'impérialisme et le système antidémocratique du bloc occidental, principes qu'énonce la doctrine Jdanov, du nom du responsable de l'idéologie du PCUS, en octobre 1947 et en réponse au discours de Truman. Les Soviétiques se targuent eux d'adopter et de mettre en oeuvre une politique militaire défensive, oubliant peut-être de signaler la répression comme arme pour imposer et maintenir l'ordre soviétique, à l'intérieur de leur bloc (Coup de Prague en Tchécoslovaquie, en février 1948).

4. Démontrez, d'après ce document, que la Guerre froide est une guerre psychologique menée envers les opinions publiques.

La Guerre Froide est par définition une guerre des idées: deux modèles idéologiques s'affrontent indirectement, le combat entre les deux Grands, les Etats-Unis et l'URSS, étant rendu impossible par la menace que fait peser la bombe atomique, arme de dissuasion par excellence, qui permet également de jouer sur la peur que ses capacités destructrices entrainent pour justifier sa politique auprès de l'opinion publique. C'est donc essentiellement sur le terrain "médiatique" que les deux blocs s'affrontent en usant de divers moyens de propagande pour soit se mettre en valeur, soit décrédibiliser l'adversaire. La propagande c'est l'ensemble des moyens de communication utilisés par un pouvoir politique pour influencer l'opinion de la population et lui imposer une perception officielle des évènements. Pour parvenir à leur fins, gouvernements américains et soviétiques usent principalement du cinéma, de la radio, de la presse écrite et des affiches, médias de masse, pour diffuser et imposer leurs idéologies. Si la liberté de la presse n'est pas comparable dans les deux blocs (le PCUS contrôle la presse dans l'Union soviétique alors que la liberté de la presse est garantie par la Constitution américaine), les deux Grands vont user de moyens à la limite de la légalité pour lutter contre l'ennemi: ainsi les années 1950 aux États-Unis, sont marquées par la "chasse aux sorcières" du sénateur McCarthy, en particulier à Hollywood où les réalisateurs et acteurs soupçonnés d'être sympathisants communistes ou, pire, d'être adhérent du Parti Communiste, étaient interrogés et "black-listés", c'est-à-dire interdits de tournage. Sur la liste noire des "Rouges" on pouvait retrouver quelques personnages célèbres comme Charlie Chaplin ou Orson Welles, mais ce sont tous les pans de la société américaine et en particulier l'administration qui furent touchés.
Cette affiche, pro-soviétique, s'appuie sur les grands thèmes de la propagande anti-communiste diffusée par les occidentaux (l'URSS menace la paix et veut étendre par la force sa sphère d'influence) pour mieux les détourner au profit du bloc soviétique. Il n'est pas question ici de "vérité" mais d'impact sur l'opinion publique: on dénonce la propagande américaine pour la démonter point par point et placer le bloc soviétique en position de victime. L'effet est d'autant plus réussi que l'affiche reprend des phrases des principaux leaders américains pour renforcer l'idée centrale du message: les États-Unis sont l'agresseur ("la politique du coup de poing" prônée par Truman) alors que l'URSS ne fait que se défendre, aux dires même du général MacArthur. Les nombreuses flèches qui renforcent l'impression d'oppression, d'agression de l'URSS par les États-Unis vont aussi dans ce sens même si elles ne représentent pas la réalité: les bases américaines existent mais n'envoient pas d'hommes vers le bloc soviétique, en tous cas pas vers l'URSS. Il s'agit donc bien là d'une volonté d'influencer l'esprit des contemporains, en n'affirmant rien mais en faisant s'interroger le lecteur en lui proposant des arguments "objectifs" pour qu'il se forge "sa propre" opinion, en réalité celle voulue par le Parti Communiste.

5. De quelle manière ce document traduit-il l'évolution internationale et militaire de la Guerre froide au début des années 1950 ?

Les blocs sont de plus en plus définis au début des années 1950, notamment depuis l'arrivée de Mao au pouvoir en Chine en 1949 qui a pour conséquence l'agrandissement et le renforcement du bloc soviétique. La Chine soutient notamment la Corée du Nord dans sa tentative de conquête de la Corée du Sud. Il faudra l'intervention des États-Unis et l'ombre pressante de l'utilisation par l'armée américaine de la bombe atomique pour résoudre cette crise qui aboutira finalement à la séparation des deux Corée en 1953.
Le début des années 1950 est aussi marqué par un durcissement des relations Est/Ouest en Europe avec la création de la RFA en 1954 (puis de la République Démocratique Allemande (RDA) à l'Est) mais également par la mise en place du Pacte de Varsovie, réponse soviétique à l'OTAN, en 1955. Ce durcissement s'illustre par les propagandes anti-communistes à l'Ouest, à l'image du Maccarthysme aux États-Unis.
Ce qui change et qui est ici illustré, ou plutôt exagéré, par l'affiche du PCF, c'est que ce sont les américains qui interviennent militairement pour appliquer leur politique du containment, alors qu'avant cette période, entre 1945 et 1948 notamment, ce sont les soviétiques qui ont usé de la force pour imposer le communisme en Europe de l'Est en créant les mal-nommées démocraties populaires, dans lesquelles la dictature était la règle.
Plus importantes en Asie qu'en Europe dans les années 1950, les crises entre les deux blocs n'ouvrent cependant jamais de conflit ouvert entre les deux Grands, chacun défendant ses convictions sans déclarer la guerre à son principal ennemi, c'est rappelons-le, un des principes essentiels de la Guerre Froide. En 1953, la mort de Staline, laisse entrevoir une coexistance pacifique entre les deux grands et, même si la crise de Cuba, en 1962, fut l'un des évènements les plus graves de la Guerre Froide, la situation semble se stabiliser autour des frontières dessinées dans cette première partie de la Guerre Froide, souvent désignée comme l'apogée de ce conflit sans combat.



SUJET 2: Discours du président Bush à la Nation, 17 mars 2003

George W. Bush dans ses œuvres lors d'un sommet international en Chine. Vous pouvez retrouver l'intégralité du discours à la Nation sur le site du Monde Diplomatique, ICI.

1. Présentez le document.

Le discours prononcé ici par le 43ème président des États-Unis, George Walker Bush (2000-2008) est celui qui annonce au peuple américain, "la Nation", la décision prise par l'administration américaine, la Maison Blanche et le Pentagone, situés tous deux à Washington, d'intervenir militairement en Irak pour mettre fin aux activités militaires d'un des principaux ennemis des Etats-Unis depuis la fin des années 1980: Saddam Hussein, dictateur irakien. En 1991, les Américains avaient déjà déclaré la guerre à Saddam pour libérer le Koweït.
Ce discours s'inscrit dans la logique de "Guerre contre le terrorisme" lancée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 qui, avec un bilan de 3000 morts et un traumatisme moral sans précédent dans le pays, fut la plus grave attaque jamais subie par la superpuissance américaine. L'Irak avait été aussitôt placée sur la liste noire des pays de l'Axe du Mal (avec entre autres l'Iran et la Corée du Nord) soupçonnés d'avoir soutenu les activités terroristes de la nébuleuse Al Qaïda, qui avait revendiqué les attentats du 11 septembre. L'Afghanistan, premier pays attaqué et libéré du joug taliban par les Américains ne faisant en 2003 plus partie de cette liste depuis l'élection démocratique d'Hamid Karzaï en juin 2002. Pourtant il y a une différence de taille entre l'intervention militaire en Afghanistan en 2001 et l'intervention en Irak de 2003: alors que la communauté internationale soutenait la première intervention, la seconde a rencontré de nombreuses résistances, notamment au sein de l'Organisation des Nations Unies (ONU). L'Irak sera à son tour retirée de la liste de l'Axe du Mal après la chute de Saddam Hussein en décembre 2003 puis son exécution quasi-publique, la vidéo de sa pendaison ayant rapidement fait le tour du monde, en décembre 2006.

2. Expliquez pourquoi, selon les États-Unis d’Amérique, l’Irak est un foyer d’instabilité à l’échelle régionale et mondiale.

L'Irak, berceau de la civilisation néolithique il y a plus de 10 000 ans, est un pays situé au cœur du Moyen Orient, région du monde particulièrement surveillée par les Américains soucieux d'assurer la sécurité de leur approvisionnement en pétrole, matière énergétique précieuse pour l'un des plus gros consommateur de la planète. Pour les Etats-Unis, Saddam Hussein, dictateur à la tête de l'Irak depuis 1968 (vice président d'abord puis président en 1979), n'est pas un inconnu: "le régime a un passé d'agression téméraires au Proche-Orient" et "a déjà utilisé des armes de destruction massive contre les voisins de l'Irak [...]". Dans son discours, George Bush fait référence à l'hiver 1990-1991, durant lequel les États-Unis et leurs alliés étaient intervenus dans le Golfe Persique pour repousser l'armée irakienne d'Hussein hors du Koweït, menacé d'invasion et d'annexion. Le petit Etat du Koweit (17 000 km2) ne vit pratiquement que du pétrole (90% des ressources du pays viennent de "l'or noir") et, situé au bord du Golfe Persique, entre l'Arabie Saoudite et l'Irak, il représente une véritable porte d'entrée sur les importantes ressources énergétiques de la péninsule arabique. Même si c'est au nom de la paix, de la démocratie et de la liberté que les Etats-Unis ont libéré le Koweit, les préoccupations économiques ne doivent pas être négligées. En 1991, la dictature belliciste de Saddam Hussein était un danger pour la stabilité des intérêts américains car elle menaçait l'approvisionnement en pétrole: c'est aussi (d'abord?) pour cette raison que George Bush, père, a décidé l'intervention, la fameuse "Opération Tempête du désert".
En 1991, les Etats-Unis sortent vainqueurs de la Guerre Froide, l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) est en train d'imploser (la Russie est désormais dirigée par Boris Elstine alors que l'URSS du président Gorbatchev ressemble de plus en plus à une coquille vide), et apparaissent après cette victoire au Koweït comme les libérateurs, les gendarmes du monde, garants de la paix dans le monde. Pourtant, les Américains ont laissé Saddam Hussein en place et ne sont pas intervenus pour destituer le dictateur. Leur objectif depuis lors était de lutter pacifiquement contre l'Irak pour limiter le risque de conflits dans la région: "Pendant plus de dix ans, les Etats-Unis et d'autres pays ont fait des efforts patients et honorables pour désarmer le régime irakien en évitant la guerre". Mais ces efforts sont insuffisants et les Etats-Unis continuent d'accuser Saddam Hussein de poursuivre en secret ses projets de construction d'armes de destruction massive, "les armes les plus mortelles qui aient jamais été mises au point" dixit le président Bush. Fait agravant dans le contexte "post-11 septembre", l'Irak est aussi accusé de vendre ses armes à l'organisation terroriste Al Qaïda, dont le "chef", Oussama Ben Laden a été déclaré "ennemi public n°1" (une récompense de 250 millions de dollars est promise par le gouvernement américain). Hussein est aussi suspecté de participer à la formation de terroristes sur son sol tout en participant à des projets d'attentats contre les intérêts de l'Amérique et ses amis contre lesquels "il nourrit une profonde haine". En 2003, alors que les activités condamnées n'ont jamais été aussi intenses selon les renseignements américains, il apparait urgent d'intervenir pour garantir la stabilité de l'ordre mondial et assurer la sécurité du monde occidental en général, des Etats-Unis en particulier ; dans son discours, le président fait directement référence au souvenir des attentats du 11 septembre 2001, encore présent dans toutes les mémoires: "Nous choisissons de faire face à cette menace maintenant, lorsqu'elle est en gestation, avant quelle n'apparaisse soudainement dans nos cieux et dans nos villes".

3. Quelles stratégies adoptent les États-Unis d’Amérique face à cette situation ?

Les Etats-Unis peuvent être considérés comme une superpuissance car ils sont le seul pays, depuis la fin de la Guerre Froide, capable d'imposer son point de vue aux autres pays du monde en usant de deux leviers du pouvoirs: le soft power et le hard power. Ils vont utiliser les deux pour parvenir à leurs fins sur la question irakienne. C'est d'abord sur le terrain diplomatique que les Etats-Unis vont user de leur influence pour empêcher l'Irak de nuire: après 1991 les irakiens sont sous le coup de sanctions votées par la communauté internationale dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies. Le programme "pétrole contre nourriture" est un véritable embargo qui limite les échanges entre l'Irak et le reste du monde, le but étant d'isoler Saddam Hussein pour mieux le contrôler. Ce programme très controversé aurait indirectement provoqué la mort de millions de personnes, en particulier des enfants (200 000 morts par an selon l'UNICEF pendant la durée du programme, de 1991 à 2003), car il n'empêchait en rien la politique repressive du dictateur Saddam Hussein, en particulier contre les rebelles chiites (confession minoritaire de l'Islam) du sud du pays.
Après 2001, la volonté des Américains de faire tomber Saddam Hussein est grandissante, sa figure incarne désormais l'ennemi de l'Amérique (la série animée South Park, très critique envers la société américaine dans ce qu'elle a de plus belliqueux et de plus puritain, en fait l'un de ses personnages fétiches): les diplomates et hommes politiques américains s'activent au siège des Nations Unies, à New York, pour accentuer la pression sur le régime irakien. Le but est de trouver les preuves de la culpabilité de Saddam Hussein qui ne respecterait pas les sanctions internationales sur la question de l'armement et de démontrer qu'il est directement lié aux organisations terroristes qui menacent la paix dans le monde. Le président Bush indique dans son discours que depuis la fin de l'année 2002, "les Etats-Unis et leurs alliés ont oeuvré au sein du Conseil de Sécurité de manière à faire respecter ces exigences de longue date". Ils sont prêts une nouvelle fois à faire usage de la force, comme ultime recours précisent les américains auprès de l'opinion publique, pour obliger l'Irak à cesser la fabrication d'armes de destruction massive. Pendant ces quatre mois et demi, un bal (ou cirque?) politico-médiatique est donné en spectacle au monde entier avec d'un côté les Américains s'affirmant comme les champions de la lutte anti-terroriste et de la démocratie, de l'autre une communauté internationale divisée qui ne veut pas que les ambitions américaines déstabilisent davantage une région du monde si stratégique. Car le véritable problème des américains ce n'est pas de trouver des preuves (en construire de fausses est si simple...) mais de fédérer autour de ses obectifs toute la communauté internationale, ce que finalement ils ne parviendront pas à faire, la France et la Russie menaçant notamment d'user de leur droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU pour empêcher toute intervention militaire en Irak.
Il ne reste donc aux Etats-Unis qu'une seule solution: intervenir seuls, entourés tout de même de leurs meilleurs alliés (et ils sont nombreux, près de 50 pays), pour restaurer la démocratie en Irak et éliminer Saddam Hussein. C'est donc hors de toute résolution de l'ONU et sans tenir compte des recommandations de la communauté internationale que les Etats-Unis déclarent la guerre à l'Irak en mars 2003. Rappelons que les Etats-Unis possèdent la plus grande et la plus puissante armée du monde, présente sur toutes les parties du globe grâce à un quadrillage efficace du globe par les Commandements Interarmés de Combat. Rappelons aussi que le budget "défense" des Etats-Unis représente 45% des dépenses militaires du monde, qu'ils sont les numéros un de la fabrication et du commerce d'armes et que l'industrie militaire représente envrion 4% de son PIB, un chiffre très supérieur à celui des autres pays développés. La puissance coercitive ou hard power, c'est-à-dire influencer les autres pays par la force militaire, des États-Unis dépasse de loin celle de tous les autres pays du monde surtout quand à elle s'ajoute celle d'alliés puissants comme la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Australie, le Japon et bien d'autres.

4. Quelle est l’attitude de l’ONU envers les initiatives des États-Unis d’Amérique ?

C'est dans le cadre de l'ONU qu'on eu lieu les enquêtes menées sur le terrain pour prouver l'existence d'armes de destruction massive en Irak. Les experts envoyés sur place étaient sous mandat de l'ONU et agissaient donc au nom de toute la communauté internationale, effectivement inquiète, comme les États-Unis, d'une possible remilitarisation de la dictature de Saddam Hussein. George W. Bush précise d'ailleurs dans son discours que tous les membres du Conseil de Sécurité partagent la même angoisse mais qu'ils ne sont par contre pas tous d'accord sur la réponse à apporter au problème irakien: "Ces Etats évaluent comme nous le danger existant, mais n'ont pas notre résolution à y faire face". Nous l'avons dit les principaux Etats visés par ces propos sont la France et la Russie, mais également la Chine et l'Allemagne (qui ne dispose pas du droit de veto) qui formaient la tête de pont de l'axe de la paix, hostile à toute intervention armée sous mandat onusien. Leur principal argument était qu'il fallait laisse plus de temps à la mission des experts et explorer tous les moyens pacifiques de règler la question avant de lancer une offensive dont les conséquences sur l'équilibre régional, déjà fragile, à cause de l'Afghanistan et de l'Iran notamment, pouvaient être catastrophiques. Le rôle du ministre français des Affaires Etrangères de l'époque, Dominique de Villepin, est particulièrement important: il prononça en un discours contre la guerre qui fut applaudi par l'Assemblée générale des Nations Unies et qui eut un impact important dans les opinions publiques occidentales, de plus en plus hostiles à cette guerre. Le discours insistait sur la question de la difficile construction de la paix en Irak après la chute de Saddam Hussein, une question qui six ans après le début du conflit résonne comme une mise en garde visionnaire, mais malheureusement prévisible.
L'opposition de l'ONU aux initiatives est vécu comme un affront par les Américains et les critiques de Bush à l'encontre de l'organisation sont très dures: "Le Conseil de sécurité ne s'est pas montré à la hauteur de ses responsabilités; nous assumerons donc les nôtres". Les Etats-Unis décident donc de se passer de l'appui de la communauté internationale, rendant l'ONU quasiment inutile et reniant les principes qui la fondaient pour lancer une guerre qualifiée d'illégale par de nombreux observateurs, dont Kofi Annan. La France ne participe donc pas à cette guerre, au nom d'un vieil anti-américanisme disent les partisans de la guerre, au nom du droit international répondent les partisans de la paix. Aux Etats-Unis, la France est accusée d'être un empêcheur de tourner en rond et en réaction on refuse, un temps, de servir les french fries tout en déversant des bouteilles de champagne ou de vin made in France dans les caniveaux. Ces tensions entre "pro" et "anti" guerre se déroulent également dans les pays qui ont accepté de suivre les Etats-Unis: notamment en Espagne où des manifestations pacifistes importantes ont lieu contre le gouvernement Aznar.
Si l'ONU n'a pas cédé face aux pressions des Etats-Unis cette résistance n'aura pas permis d'éviter le conflit, les Etats-Unis, qui d'habitude dirigent de nombreuses interventions mandatées par l'ONU, étant capables d'engager le conflit sans aide extérieure. Du coup, l'ONU sort affaiblie de cette crise et la situation internationale est envenimée par des tensions entre les pays des deux camps. En Europe notamment, les Etats favorables à la paix comme l'Allemagne et la France ont mal perçu le fait que les futurs nouveaux entrants de l'ancienne Europe de l'Est suivent unilatéralement la décisions américaines. Cet épisode a mis en lumière les limites de l'organisation chargée de maintenir la paix dans le monde et la puissance des Etats-Unis qui n'hésitèrent cependant pas à faire appel aux services de l'ONU pour assurer leur mission de maintient de la paix et de restauration de la démocratie en Irak, à la suite de la chute de Saddam Hussein, en décembre 2003. Signe de certaines faiblesses des Etats-Unis, cet appel "au secours" montre aussi aux Américains combien la légitimité de l'ONU accorde un immense avantage en cas de conflit, cette légitimité qui leur avait permis de sortir grandis de la Guerre du Golfe en 1991.

5. En quoi ce discours est-il révélateur de la conception étatsunienne de l'ordre mondial ?

Ce discours illustre bien une transformation du rôle des Etats-Unis sur la scène internationale depuis 2001. Alors qu'en 1991 et tout au long de ce qu'on pourrait appeler l'ère Clinton (1992-2000), ils apparaissaient vraiment comme la seule superpuissance et comme le véritable gendarme du monde (interventions en Somalie en 1993 ou au Kosovo en 1999 et interventions importantes pour la paix dans le conflit israélo-palestinien), après 2001 et pendant l'ère Bush (2000-2008), les Etats-Unis apparaissent affaiblis et dépasser par une situation internationale qu'ils peuvent de moins en moins maîtriser seuls. Le monde est en effet devenu multipolaire. Le renouveau de la Russie mené (avec autorité) par Vladimir Poutine et l'arrivée de la Chine sur la scène diplomatique qui fait suite à la fin de son isolement économique (elle intègre l'Organisation Mondiale du Commerce en 1999) viennent s'ajouter à la prise d'indépendance de l'Union Européenne, même si cette dernière n'a pas encore de politique diplomatique commune, comme l'a révélé la question irakienne en 2003. Les Etats-Unis ne semblent pas avoir perçu le changement et continuent de se comporter comme s'ils pouvaient être les seuls décideurs. Cette tentation unilatéraliste, condamné par de nombreux pays, y compris certains de leurs alliés, est bien présente dans le discours de Bush, "Nous assumerons" nos responsabilités prévient le président américain, qui ne semble pas comprendre que tout le monde, en l'occurence l'ONU, puisse ne pas être d'accord avec sa vision des choses, sa politique. Les critiques sont d'autant plus vives contre cet unilatéralisme que les attentats du 11 septembre ont montré que les Etats-Unis n'étaient plus intouchables. D'autre part,le discours s'inscrit dans la logique du "choc des civilisations", thèse développée par Samuel Huntington, politologue américain, et reprise par l'administration Bush pour justifier la nécessité d'intervenir dans les pays du Moyen Orient pour y imposer la démocratie et l'amour ou du moins le respect de l'Amérique. Cette thèse n'a pas le même succès en Europe où les relations avec les pays arabo-musulmans sont à la fois plus anciens et plus complexes du fait de la présence d'importantes communautés musulmanes parmi la population des Etats membres de l'Union européenne. Une thèse qui a par ailleurs été critiquée pour son manque d'objectivité, ayant pour seul objectif de démontrer la menace que ferait peser l'Islam sur la paix dans le monde, et notamment pour la sécurité de la civilisation occidentale. L'administration Bush a également utilisé cette thèse pour souligner l'importance d'agir contre les Etats voyous et ceux de l'Axe du Mal qui menacent l'ordre mondial: la Corée du Nord, l'Iran sont ainsi régulièrement montré du doigt par les Américains pour leurs activités militaires jugées dangereuses et condamnées avec force. Cette vision conservatrice et unilatéraliste a été mise a mal par les échecs de l'armée américaine en Afghanistan (la guerre dure depuis 8 ans) et en Irak (les Américains sont présents depuis 6 ans) où aucune sortie de crise ne semble se dessiner, et surtout par la dégradation importante de l'image des Etats-Unis dans le monde, accusés de tous les maux de la planète. Le président Bush n'a pas aidé à l'amélioration de l'image de son pays en inventant, on le sait aujourd'hui, les preuves de la détention d'arme de destruction massive en Irak, ou en se servant du 11 septembre pour légitimer cette intervention alors que rien ne relie officiellement Saddam Hussein et Oussama Ben Laden. Aujourd'hui, la nouvelle présidence hérite d'un lourd passif, et si Barack Obama incarne l'espoir et le changement, les défis auxquels il est confronté sont immenses et il ne pourra y faire face, et l'Amérique avec lui, qu'en passant par une collaboration plus importante entre les grandes puissances.




Et un petit bonus pour terminer et se remettre de cette longue lecture...







George W Bush: le best-of - telealsace
George W Bush: le best-of - telealsace

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo pour cette correction, elle est très longue et très complète !!

Lucie a dit…

Excusez-moi, je ne sais pas si vous êtes professeur... Toutefois, il y a des maladresses dans vos réponses. Erreurs surtout de chronologie qui fausse la réponse.

Monsieur Raingeard a dit…

Désolé. Quelles sont les erreurs dont vous parlez (je les corrigerai)